Soutenance Jeanne CADIOU

Soutenance de thèse Jeanne CADIOU

20 avril 2023

Sciences Po Paris, 1 Pl. St-Thomas d'Aquin, 75007 Paris, en salle B108

Sous réserve de l’avis favorable des rapporteurs, Jeanne Cadiou soutiendra sa thèse en sciences agronomiques et sociologie de l'action publique le 20 avril 2023 à Sciences Po Paris.

La soutenance de thèse de Jeanne CADIOU aura lieu le jeudi 20 avril à 9h30, à Sciences Po Paris, salle B108, et pourra être suivie en visioconférence.

Cette thèse en sciences agronomiques et sociologie de l'action publique, menée à INRAE et l'IDDRI, sous la direction de Jean-Marc Meynard (INRAE-SADAPT) et le co-encadrement de Pierre-Marie Aubert (IDDRI) est intitulée :

Le déploiement de la politique de méthanisation agricole en France : implications pour la transition agroécologique

La soutenance sera en français. Si vous souhaitez assister à cette soutenance en présentiel ou en visioconférence, merci de remplir ce sondage avant le 11 avril 2023. La soutenance sera suivie d’un pot auquel vous êtes toutes et tous chaleureusement invité(e)s.

Composition du jury :

  • Guillaume MARTIN, Directeur de Recherche, INRAE (centre Occitanie-Toulouse)
  • Gabrielle BOULEAU, Chercheuse (HDR), INRAE (Université Gustave Eiffel)
  • Frédéric ZAHM, Chercheur, INRAE (centre NA – Bordeaux)
  • Charlotte HALPERN, Chercheuse, Sciences Po
  • Philippe MARTIN, Professeur, AgroParisTech (Université Paris-Saclay)
  • Jean-Philippe STEYER, Directeur de Recherche, INRAE (centre Occitanie-Montpellier)

Résumé de la thèse :

Depuis le début du XXIe siècle, la production de biogaz par méthanisation a fortement augmenté dans le monde. Dans un contexte où les problèmes environnementaux s’accroissent et où l’impératif de décarbonation se fait de plus en plus pressant face au changement climatique, la méthanisation est développée en Europe comme une réponse possible à plusieurs enjeux de transition énergétique, de transition agricole et de gestion des déchets. En France, la politique du biogaz inscrit la méthanisation agricole au cœur des promesses d’une transition énergétique, d’une agriculture durable et d’une économie circulaire (Programmation pluriannuelle de l’énergie, 2020; Plan Energie méthanisation Autonomie Azote, 2013). Cependant le développement de la méthanisation agricole fait débat, notamment en ce qui concerne sa contribution possible à la transition agroécologique. Discuter le rôle de la méthanisation dans la transition agroécologique nécessite de s’intéresser à la fois aux modalités d’évaluation de sa durabilité agroenvironnementale et à la faisabilité sociotechnique et socio-politique de son développement « vertueux ». Dans cette optique, la question de la thèse est la suivante : Comment améliorer l’analyse de la durabilité de la méthanisation agricole, pour mieux identifier les conditions d’une politique d’un biogaz durable en France ? Pour répondre à cette question, cette thèse propose de considérer les effets agroenvironnementaux de la méthanisation en replaçant les pratiques agricoles dans la dynamique de l’exploitation et du territoire. Pour cela, nous prenons appui sur le cadre théorique de l’Analyse Stratégique de la Gestion Environnementale et nous mobilisons conjointement, au sein de ce cadre, les champs disciplinaires de la Farming system research/Agronomie système et de la sociologie de l’action publique.

Dans une première partie de thèse, nous avons analysé les visions de la durabilité qui ont contribué à influencer la politique du biogaz en France. Nous avons montré que l’appréhension de la durabilité agroenvironnementale du biogaz dans le débat prospectif français est peu approfondie. La formulation de la promesse agroécologique prend appui sur une analyse principalement technique des enjeux agricoles, centrée sur l’échelle de la parcelle, et considérant peu les échelles du système de production et du territoire. Les concepteurs de prospectives, davantage experts des enjeux de transition énergétique, développent des visions normatives des enjeux de durabilité agroenvironnementale, qui considèrent peu les dynamiques réelles des systèmes agricoles. Ces visions prospectives ont contribué à nourrir le débat politique durant la construction de la politique publique de la méthanisation, entre 2002 et 2020. En nous appuyant sur une quinzaine d’entretiens et une analyse de la littérature grise, nous proposons une analyse séquentielle de la fabrique de la politique publique de la méthanisation, au prisme de ses dynamiques discursives. Nous montrons que la construction d’un cadre règlementaire favorable au développement de la méthanisation en France, entre 2008 et 2020, est liée à la convergence d’intérêts de divers acteurs autour de la promesse d’une transition du secteur gazier, portée par le développement de la branche « injection ». La prise comme repoussoir du modèle allemand de méthanisation, et les discours sur les bénéfices agroenvironnementaux du biogaz ont été mobilisés par certains acteurs pour soutenir un modèle de méthanisation agricole « à la française » entre 2012 et 2020. Si la politique publique de la méthanisation française intègre certains dispositifs agroenvironnementaux, les dynamiques discursives déterminantes du soutien à la méthanisation demeurent liées au débat de politique énergétique. La promesse agroécologique a ainsi échoué en 2020, à maintenir le soutien budgétaire étatique à la branche injection de la méthanisation.

Dans une seconde partie de thèse, nous avons questionné cette vision normative de la durabilité agroenvironnementale du biogaz, au prisme des dynamiques empiriques de développement de la méthanisation sur un territoire. Premièrement nous nous sommes intéressée aux impacts agroenvironnementaux réels de la méthanisation agricole, et à leurs déterminants. Pour cela, nous avons analysé, avec le cadre de la Farming system research et de l’Agronomie système, les changements de pratiques et de système de production, liés au développement du biogaz, chez une diversité d’agri-méthaniseurs dans les Vosges et le Bas-Rhin (région Grand Est). Nous avons analysé chez 23 agriculteurs méthaniseurs, les effets agroenvironnementaux au niveau des fermes et du proche territoire. Nous montrons que les trajectoires de durabilité des fermes sont plus diverses que les trajectoires idéales usuellement décrites dans la littérature, en raison des effets systémiques, indirects et peu documentés, de la méthanisation. Les ressources des exploitations et du territoire environnant, conduisent les agri-méthaniseurs à s’engager dans divers schémas de transformation de leurs pratiques et de leur système de production, parfois favorables à l’environnement, parfois défavorables. Deuxièmement, à partir d’une trentaine d’entretiens avec des acteurs du territoire, nous montrons que cette diversité observée est notamment liée aux dynamiques de mise en oeuvre locale des politiques publiques. La mise en oeuvre de cette politique en Grand Est laisse peu d’espace à l’évaluation et la prise en charge des enjeux agroenvironnementaux de la méthanisation. Les intérêts convergents de quatre « familles » d’acteurs du territoire autour des enjeux de transition énergétique et de création de valeur, ont permis une structuration rapide de la filière entre 2017 et 2021. Cependant les acteurs de l’environnement ont peu de moyens juridiques et économiques pour suivre la conformité agroenvironnementale du développement rapide de l’injection depuis 2017, malgré les garde-fous règlementaires existants. Nous suggérons que le discours d’une durabilité « naturelle » du biogaz – identifié en partie 1 – a contribué à structurer une action publique territoriale en faible capacité d’appréhender et de prendre en charge les enjeux systémiques émergents tels que la pollution de l’eau, la concurrence d’usage sur les biomasses, ou l’évolution de la biodiversité dans les territoires.

Nous montrons donc, à travers ce travail de recherche interdisciplinaire original, qu’une vision technique de la durabilité agroenvironnementale de la méthanisation domine, aussi bien dans l’analyse scientifique de ses effets, que dans la compréhension politique de sa contribution à la transition agricole. De ce fait, les acteurs de la filière méthanisation française prennent insuffisamment en charge les enjeux agroenvironnementaux complexes de son développement, et les acteurs de l’environnement sont peu équipés pour penser les leviers et garde-fous d’une méthanisation durable. L’analyse de la contribution du biogaz à la transition agroécologique et l’accompagnement de la filière doivent donc être repensés, à l’aune d’une meilleure compréhension des effets systémiques du développement de celle-ci en agriculture. Cette thèse se conclut sur des pistes de réflexions visant à construire une politique publique d’une méthanisation agricole durable sur le plan agroenvironnemental.

Contact: changeMe@inrae.fr